Un avenir qui se dessine (Pédro 5/5)
- Les Cueilleurs d'Histoires
- 3 févr. 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 mars 2021
Pédro avait choisi de faire sienne la phrase de Voltaire "Le but du chemin est le chemin lui même..." et puis l'envie et la vie ont donné du sens au chemin accompli.

Je suis revenu à l’université. Là, une prof me dit : « Toi, tu devrais faire un DEA », c’est à dire un master 2 « pour ensuite faire une thèse ». Je me souviens que j’ai éclaté de rire parce que quelques mois avant, j’en avais marre des études, je me demandais comment m’insérer sur le marché du travail ; et là, une prof me disait :
« Tu ne vas pas te contenter d’un bac + 3 ou 4 mais tu vas faire un bac + 8 ! Et peut-être qu’un jour, tu seras prof à ma place. »
Après quelques jours de réflexion, je me suis dit, comme je l’ai toujours fait :" Je vais déjà finir ma maîtrise et après on verra.» Ma prof m’avait dit : « Tu peux avoir une petite bourse sur mérite », c’était à l’université de Caen, « Et comme tu finiras 1er du DEA, tu auras une allocation de recherche pour ta thèse, tu seras payé tous les mois pendant 3 ans pour faire une thèse de doctorat ».

Alors, je dis : « Chiche ! » Et ça s’est passé comme elle l’avait dit.
On est à des années lumières de mon point de départ à Ferdinand Buisson et Léo Lagrange. Ce parcours, il est notable, surtout lorsque je regarde où ça a démarré, mais c’est aussi cette rencontre. Si cette prof ne m’avait pas poussé, je n’y serais pas allé de moi-même. J’en suis certain.
Je fais ma thèse de Doctorat en 3 ans et un an après ma soutenance de thèse, un poste de maître de conférences - enseignant- s’ouvre à l’université du Havre. Je suis recruté en tant qu’enseignant chercheur, en 2005. Aujourd’hui, nous sommes en 2020 et depuis quelques mois, je suis Président de l’Université dans laquelle j’ai commencé mes études en 1995.
Ce n’était pas une ambition ce poste. Je n’ai jamais fonctionné en termes d’ambition. Moi, ce qui m’a toujours intéressé, c’est ce que j’allais faire demain. Après-demain, c’est trop loin. Un peu comme pour tout le reste, le lendemain et après-demain s’enchaînent assez bien. Je ne suis pas convaincu que ce soit de la chance, il faut en avoir, mais bien vivre chaque étape sur un chemin, c’est le meilleur moyen pour que l’étape suivante soit bonne parce que si vous la vivez bien, vous êtes bon, fort, solide, donc vous êtes mieux parti pour l’étape suivante
J’ai toujours pris les choses les unes après les autres. J’ai été recruté à l’université en 2005. Très vite on m’a dit : il y a un peu de sous-encadrement, il faut que tu prennes la responsabilité d’un diplôme. Je l’ai prise, ça m’a plu. De responsable d’un diplôme je deviens directeur du Département Administration Économique et Sociale, Département dans lequel j’avais commencé mes études, puis le doyen de la faculté me propose d’être Vice-doyen, donc son adjoint de la faculté des affaires internationales.
Quelques années après, le candidat à la présidence de l’université me propose d’être Vice-Président. Après 2 mandats de Vice-Président, on se demande si ça peut avoir du sens d’être Président, si on a un projet à porter ; forcément, moi, avec un attachement tout particulier à cette université, son devenir, son développement, j’y ai déjà participé en tant que Vice-Président, j’ai effectivement cette tentation de le faire en tant que Président. Entre quelques compétences, un peu de chance et du soutien, les choses se sont très bien enchaînées.
J'ai été élu à 43 ans, ce n’est pas commun. Aujourd’hui, je crois être le Président d’université le plus jeune de France.
Dans les moments de doute, les ressorts, c’est la famille, un appui dont je ne me sers pas forcément, mais savoir que c’est là : les parents, les frères quand j’étais jeune, c’est aussi en tant qu’adulte, mon épouse, mes deux enfants, ce cocon qui donne beaucoup de force.
J’ai un positionnement atypique sur l’ambition. Pour moi, l’ambition, ce n’est pas un gros mot mais c’est quelque chose que je n’ai jamais vraiment vécu en tant qu’individu. Mon ambition, ça a été d’être heureux et c’est ce que j’essaye de transmettre à mes enfants. Il ne faut pas faire de l’ambition l’Alpha et l’Omega de notre vie au quotidien, là-dessus, je m'écarte un peu d’un discours qui fait trop la promotion de l’ambition, mais pour autant, il faut tout s’autoriser.
Il ne faut pas se dire : « Je ne pourrais pas faire ça parce que je suis qui je suis ou parce que je viens d’où je viens. Ça, ce sont des foutaises. »
Moi, le message que je voudrais passer aux plus jeunes, c’est d’une part qu’on n’est pas seul face à la difficulté, même quand on a l’impression de l’être, il ne faut rien s’interdire parce que oui, on vit dans un pays où on a un vrai problème avec le traitement de l’échec. On parle de réussite, l’échec est tabou : moi, je n’ai pas peur de l’échec. C’est facile à dire quand tu en subis rarement, peut-être, mais j’en subis comme d’autres et peut-être que j’en subis moins parce que je n’ai pas peur de l’échec. Je n’ai pas honte de dire : « Je ne sais pas». Et ça, pour le coup, c’est quelque chose qui me renvoie à quand j’étais plus jeune où tu peux avoir honte de ne pas savoir faire l’exercice.
"Les plus grandes découvertes scientifiques se sont faites sur la base d’échecs d’expérimentations. La personne a foiré son expérimentation et a trouvé quelque chose de fantastique".
Je ne suis pas trop du genre à regarder dans le rétroviseur, mais quand je regarde, je me dis que j’ai eu beaucoup de chance, je n’ai pas à rougir de ce que j’ai fait.
Une petite machine permettrait de remonter dans le temps, je ferais tout pareil.
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