Bons souvenirs du quartier. (Betty 2/5)
- Les Cueilleurs d'Histoires
- 25 janv. 2021
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 mars 2021
Là où Betty nous partage la joie de grandir au Bois de Bléville.

J’ai 2 frères, on était tous les 5, avec mes parents, dans une petite maison à La Hêtraie. C’était un univers super heureux. Mon enfance était vraiment très heureuse. Mon grand frère est éducateur spécialisé, il a longtemps travaillé au Samu social, mon petit frère dessine des jardins écologiques et les plante. On s’est tous dispersés alors que ma mère nous avait fait signer un papier après le bac comme quoi on n’aurait pas le droit de s’éloigner de plus de 90 km !
"J’ai toujours dit à ma mère, et mes frères disent la même chose, que le fait qu’on se sente capables de s’éloigner pour suivre nos quêtes, qu’elles soient personnelles ou professionnelles, c’est, qu’a priori, elle nous a donné assez de force".
J’ai vécu de mes 2 ans à mes 18 ans au Bois de Bléville. On était tous ensemble à l’école, on venait tous passer les après-midis ensemble, je me souviens d’une longue série d’anniversaires… Mes copines à l’école c’étaient aussi celles avec lesquelles j’allais faire de la danse au centre de loisirs le samedi, que je retrouvais à la boxe ou au karaté.
Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir quelque chose en moins, ou de plus difficile parce que je vivais dans ce quartier-là.
La différence s’est un peu plus vue à partir du collège ou du lycée. Je pense que c’est le 1er moment où je me suis rendu compte du regard que les gens pouvaient poser sur certains quartiers. J’étais beaucoup plus triste pour les personnes qui voyaient ça comme un problème. Après quand on est adolescent, on n’est jamais content quand sa copine nous dit: « Mes parents ne veulent pas que je prenne le bus pour aller chez toi. », ça ne fait jamais plaisir...
Mais, j’ai tellement de bons souvenirs, de belles expériences ; je me souviens à Jacques Prévert, on avait les Jeux olympiques ; une année Vikash Dhorasoo qui était un peu la star du foot de l’époque, était venu nous remettre les médailles, parce que sa maman était la dame de cantine.

Je faisais de la danse rythmique, principalement des Disney, avec les rubans, les cerceaux... C’était vraiment formidable, on avait des costumes, on était maquillées, on jouait sur la grande scène qui était en bas des tours, et tout le quartier nous regardait. Je pense que pour beaucoup de Havrais et de Havraises qui ne vivent pas dans ces quartiers, quand on dit qu’est-ce que vous vous souvenez de votre enfance au Bois de Bléville, ils ne doivent pas s’attendre à cette réponse-là. Mais pour moi, c’est tout ça.
"De tout ce que je peux me souvenir de l’école, ça a toujours été une joie. L’apprentissage de la lecture, c’est ce qui a vraiment changé, le monde entier s’offre à vous. Il y a zéro frontière, zéro barrière une fois qu’on sait lire."
Si c’était à refaire, j’essaierais juste d’être un peu moins stressée sur les diplômes, de me dire que j’ai bien travaillé toute l’année, que je n’ai donc pas besoin d’angoisser. Le brevet et le bac, ça a été compliqué. Ça n’a jamais été un moteur, l’angoisse. Ce qui l’était, c’était plutôt l’histoire familiale de mes parents. Ma mère vient de la DDASS, et ce genre de choses. Il y a toujours eu cette supposition que ça allait être plus difficile pour des enfants venant de ce milieu-là de réussir. J’ai toujours refusé qu’on puisse reprocher quoi que ce soit à mes parents. Du coup, je n’ai jamais accepté d’échouer. J’avais besoin de prouver au reste du monde à quel point mes parents étaient merveilleux.
Mes parents se sont tellement battus pour que mes frères et moi on puisse faire absolument tout ce qu’on souhaitait dans nos études. C’était compliqué ; mon père était cheminot, ma mère une femme de ménage. Et après, la chance, j’étais boursière, ça a permis de payer ma petite chambre d’étudiante sur le campus. Sinon, ça aurait été compliqué.
Et puis, pour me rebooster, il y avait aussi la musique… J’avais une playlist pour le blues et une playlist pour les peines de cœur qui marchait bien. Il y avait notamment Father and son de Cat Stevens. Je pleure à la minute où je l’écoute. Ca a une signification beaucoup plus grande pour moi depuis que je vois mon compagnon avec mon fils et... depuis que je comprends l’anglais!
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