top of page

"Le mât"

IMG_1245.JPG

Dans l’imaginaire

Je suis Béarnaise, en stage au Havre et je voulais vraiment voir Étretat. J’en ai une image de carte postale. J’imaginais des grosses maisons comme celles que l’on voit le long de cette route. Je les voyais sur la falaise, alignées, dominant la mer. J’imagine des gens assez riches qui ont une maison, qui font des promenades sur la plage. Une image très pittoresque mais très vide aussi. Ça me rappelle les maisons arcachonnaises.

Je n’ai pas l’impression d’être en bord de mer. Je l'ai aperçue tout à l’heure au loin. Il n’y a rien qui te parle de la mer dans ce début de promenade mais tu te doutes bien. Tu sais que c’est là.

Mon image c’est la fameuse falaise avec un temps très gris, froid, mais très beau, avec en recul la falaise.


 

L’ouverture à la mer

Le chemin semble plus emprunté au fur et à mesure que l’on monte, il s’élargit. Tout à l’heure on était dans un sous-bois. C’est une autre séquence qui démarre. C’est plus ouvert sur le ciel et en même temps les bords de route sont clos par des haies assez hautes. On sait qu’il y a la mer, on l’entend, mais on ne la voit pas. Ça ne me dérange pas, je sais que ça va être possible, c’est comme une attente. Il y a un effet de surprise. On sent qu’on prend de la hauteur, mais surtout, c’est ouvert, on sent davantage le vent. C’est très progressif. 

On arrive à un petit chemin en terre, on n’a plus du tout le même paysage. L’église, ça raconte encore autre chose. Le passage est beaucoup plus brutal. Tout à l’heure, on est passé d’une ambiance à l’autre progressivement, et là, c’est … On est dans une troisième séquence.

Oh oh ! Voilà !


 

Et en haut, un regard happé

Il y a un musée, cette chose blanche. Ça m’évoque l’aéronautique, comme une pièce d’avion … c’est une aile d’avion qui prend le vent ? C’est percutant. Ça reprend un peu le clocher de l'église, ça se répond bien. On ne le voit pas tout de suite. C’est très progressif ce paysage, on ne nous donne pas tout immédiatement. Il y a des détails.

Oh ! c’est vraiment la chapelle qui rentre pile poil dans l’arche blanche. Ça donne le tournis lorsqu’on regarde le ciel, avec l’impression qu’on a décollé, les nuages avancent tout autour de l’Aiguille. Tout est très axé.

Il y a des vaches aussi, et… un avion ! L’Oiseau blanc. C’est la piste de décollage ? C’est très grand, en béton, un peu massif. C’est une base de lancement, un peu comme le porte-avion Foch.


 

Un paysage qui appartient à tous

Dans mon paysage, j’ai choisi l’horizontalité, l’infini. J’aime bien qu’il y ait un enchaînement de plusieurs plans. Il y a ce bosquet, une haie qui forme un carré. Ce n’est pas très étonnant. Je pensais que la falaise était habitée, alors ça colle avec ce que j’avais en tête. En même temps, on ne voit pas vraiment d’habitation, c’est une montagne d’herbes. Au début, je me suis dit que c’était une maison, mais ça n’a pas trop la forme d’un toit. Ce qui se passe derrière cette haie... c’est un mystère. C’est le seul endroit fermé de mon paysage. Après, il n’y a rien, quelques vaches, l’herbe, la mer, le ciel.

Je ne me verrais pas vivre ici. Avoir une maison comme ça, c’est privatiser quelque chose qui appartient à tout le monde. Je sais que je n’aurai jamais cette maison-là, et heureusement, sinon ça n’existerait plus pour personne. Mais je me vois bien y passer un peu de temps. Je m’imagine pouvoir revenir régulièrement, y aller seule, marcher en longeant la falaise, à un moment où il pleut un peu, où il y a du vent, dans des conditions réunies pour être tranquille.

La météo donne de jolies lumières. Ça change tout le temps. Le soleil écrase le paysage, mais dès qu’il y a un peu de nuages, on voit des reflets sur l’eau, des couleurs très différentes. Si on ne regarde que la mer, ça pourrait être l’Atlantique. C’est une échappatoire à ton regard. Il ne se passe pas beaucoup de choses pourtant. J’imagine une mer très froide. On voit ces taches, ces vert-bleu, ces violets, c’est très mouvant . J’ai toujours imaginé un paysage comme ça avec de la pluie, du vent, un temps très gris, un peu triste. C’est un bon endroit pour déprimer toute seule... Les suicides, ça ne m’étonne pas ! Il y a quelque chose de très mélancolique, assez lourd, devant ces éléments. C’est puissant : on est tout petits, on n’est rien devant cette espèce de falaise de géant... Tu vois l’érosion, des temps qui ne nous appartiennent pas. On passe, c’est là et ça restera.

On entend quelques oiseaux, il y a des gens, mais on ne les entend pas, on entend la mer, les vagues, en permanence, mais le vent surtout. Il est agréable, il donne une inclinaison aux herbes, il t’isole un peu, il t’enveloppe. Il n’est pas agressif, mais il est là.


 

Rien au hasard

Le paysage semble toujours différent, mais en même temps, c’est très écrit, il n’y a pas beaucoup de hasard. Les choses sont pensées réfléchies : l’église est posée ici, le monument, tout est aligné, et en même temps, il y a quelque chose qui se passe qui est assez fou et qui n’est pas de notre ressort. C'est plutôt ce qu’on en a fait qui ne relève pas du hasard. Après, il y a cette falaise qui est là. Mais, c’est très humain en même temps : le golf juste derrière, plein d’éléments qui forment un tout. C’est très composé. L’opération « sites classés » est passée par là.

J'aurais sûrement préféré quelque chose de plus naturel."

Claire, Étretat,

le 2 juillet

bottom of page