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"Nostalgie"

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" L’embarras du choix.

Difficile de choisir un paysage!

Même la ville toute compacte, elle est plutôt sympa. Toutes ces toitures, ça me fait penser à une couverture de roman, peut-être Arsène Lupin, ou Maupassant. J’aime bien ce côté gris, il y a une identité, tu sais où tu es, en tout cas, moi je sais où je suis. Je sais que je suis en Normandie. J’ai vraiment le sentiment de connaître. Là, on a de la chance, on est venus dans des conditions privilégiées. Le coucher de soleil est beau. Je peux aimer quand il pleut, le côté agité, tourmenté du paysage, la sensation de la pluie en tourbillons. Si on s’éloigne dans les terres, ça a vite un côté morne plaine, c’est le désespoir.

De cette vue, j’aime l’infini du bleu, la pierre blanche et le bord vert. J’ai l’impression d’un plongeoir ou d’un promontoire. C’est une immensité de bleu avec des tons qui vont du bleu clair du ciel jusqu’aux tons gris de la mer, et ses vaguelettes blanches au loin. Ce sont de belles couleurs de printemps avec la pierre blanche, la mousse, des mouettes blanches qui volent. Tu aimerais les côtoyer, mais ça risque d'être compliqué...

Ce sont des couleurs chaudes, vivantes. Le gris de la mer est un peu métallique, mais il n’y a pas de pâleur, c’est chaleureux, surtout avec le rayon du soleil. Si on ne l’avait pas, je tiendrais un autre discours sur les couleurs, c’est sûr. Le site est immuable, mais le paysage change avec les couleurs.

Ce que j’aime, c’est le sentiment de pouvoir voler, même si tu sais que ça va mal se terminer... Tu pourrais plonger, comme les plongeurs de la baie d’Acapulco.

Du sentiment de finitude

Ce sont des paysages qui peuvent amener la nostalgie, comme un sentiment d’éternité alors que toi tu n’en feras plus partie rapidement. De la nostalgie mais en même temps ça remplit. On se sent bien vivant quand on regarde ça ; ça en impose, et à la fois, tu te sens tout petit, tu relativises tout, il n’y a pas grand-chose d’important. Si tu as des soucis, face à cette immensité-là, tu t’en fiches.

C’est un paysage immuable. En plus, en ce moment, avec l'effondrement, le coronavirus ...on se sait encore un peu plus vulnérables et ça renforce le sentiment d'éternité.

 

Le bruit et le mouvement du monde

Depuis le début, je n’entendais que le vent, et la mer, surtout la mer. Maintenant j’entends les voix. Elles deviennent perturbantes, j’aimerais les enlever. J’aime me dire que je suis seul dans les paysages. J’aime le sentiment de solitude, le silence qui va avec.

Le bruit des vagues ne fait pas partie du paysage. Dans le paysage que j’ai choisi, il y a une lenteur et l’immuabilité qui va bien avec un silence complet. Il y a une infinité du bleu, de silence absolu. C’est vivant, même sans son, il y a le mouvement de l’herbe, le mouvement de la mer, mais ils sont muets.

Le mouvement, c’est ce qui évoque l’éternité, c’est un mouvement lent, régulier, toujours le même, on se laisse bercer. Il y a un poème de Baudelaire qui parle des vagues qui bercent. Tu t’imagines dans un bateau, un rythme très lent qui fait que tu t’apaises, ton cœur ralentit. C’est régulier, quelque chose t’emporte tranquillement, te détend.

Juste savourer

Ici, il n’y a rien d’autre à faire que savourer et c’est tant mieux. C’est le principe de goûter la nature, tu prends plaisir à être dehors. J’aime bien être dehors, j’ai toujours aimé depuis que je suis petit. Je ne me dis pas qu’il n’y a rien à y faire, je me dis qu’il y a à marcher, à discuter, à sentir son corps vivre, dépenser de l’énergie, s’asseoir, il y a plein de choses à y faire.

J’aime la nature plus sauvage, quand ce n’est pas trop aménagé. Mais là, il faut comprendre, on n’est pas loin d’une ville, pourtant ça reste sauvage, il n’y a pas de gros bancs en béton, il n’y a pas de site de pique-nique, il n’y a pas de chemin bien balisé, tout ordonné, il n’y a pas un circuit. On a le sentiment qu’il y a encore de la place au hasard, que ça s’est construit par les pas des gens, mais pas davantage. C’est un bon compromis entre ce qu’on peut aimer de la liberté de la nature et ce qu’il faut aménager un peu, pour que ce soit accessible à tous.

En bas, j’aime y venir le soir pour boire un verre, fumer une cigarette en regardant le coucher du soleil, ça ce sont des trucs du soir. A rester en bas, il y a un côté immobile, qu’est-ce que tu fais au bout d’un moment ? Tu vas aller de bar en bar. Dans la journée, surtout le matin, tu t’éloignes de la ville, tu t’éloignes du bruit, de la masse des gens, tu vas seul. Quand tu vois cet endroit d’en bas, tu as envie d’y être, tu as envie d’aller voir ailleurs, d’avancer dans les paysages. Tu peux continuer tes pérégrinations, il n’y a pas de limite."

Ivan, Étretat

Le 15 mars 

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