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"L'envol"

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" Sur le chemin

J’aime beaucoup la lumière dans les arbres, le jeu avec les feuilles. C’est pour ça que je me baladais beaucoup en forêt quand j’étais enfant, c’est comme si elle rebondissait sur les feuilles. J’aimais voir les arbres s’étendre vers le haut, c’était fascinant et effrayant, je me sentais écrasée. J’aimais le vertige que ça donnait.

J’aime bien les vieilles maisons, imaginer la succession des personnes qui y ont vécu, parfois j’imagine qui ils sont, ce qu’ils y ont fait. Je n’ai pas nécessairement envie de savoir exactement. Il ne faut pas essayer de tout savoir.

 

Enfant, j’étais fascinée par les falaises. Je voulais y vivre, j’aime la mer et les hauteurs. Quand j’étais en CE2, j’ai vu des photos de falaises, j’imaginais être en haut, le vent, le soleil, la mer à perte de vue. Il y a toujours du soleil sur les cartes postales.

Je m’imaginais avoir construit ma maison avec mon mari. Je m’imaginais y vieillir. C’était une vie simple : un travail, un mari, des animaux , on vieillissait et on y mourait...

Le chemin me fait penser aux petites routes lorsque j’allais chez mon oncle et ma tante. Ils avaient une maison secondaire vers Dieppe. Et il y avait souvent ce genre de petites routes à flan de falaise. Ça m’évoque les vacances et en même temps le renouveau, ça cassait la routine, on allait pêcher, l’air ne sentait pas la même chose, les discussions n’étaient pas les mêmes. C’est aussi ça de changer de paysage, tout va avec.

 

La route a changé. Je vois de moins en moins d’arbres, ça s’ouvre. Il y a moins d’ombre. Je sens l’air iodé, le sel. J’imagine qu’on est proche de la mer ou sur une falaise. J’ai hâte… je vais découvrir quelque chose que je n’ai jamais vu. Quand j’étais jeune, je n’avais pas l’occasion de découvrir de nouvelles choses. J’essaye de changer ça.

 

 

Il submerge ce paysage

 

C’est vraiment beau, il y a tout ce que j’aime : la roche creusée, l’air, la forêt, la vallée, la mer à perte de vue, il y a même un petit champs de blé en hauteur, il apporte un point de couleur. Il y a ces deux petites cavernes, j’aime y entendre les sons raisonner autrement.

L’ambiance sonore a changé : j’entends des choses que je ne définis pas, des petits bruits aigus, peut être les rires des gens en bas, le roulis de la mer, les voix des gens étouffées. Ça sent très bon, c’est l’air très iodé de quand on est en mer ou au bord de la plage, ça sent la pierre chaude, le sable, un peu la vase.

 

Il y a beaucoup de verdure, du turquoise, différentes nuances de bleu. J’aimais dessiner quand j’étais enfant, je pense aux palettes de peinture.

 

Ce que j’aime dans les lieux c’est tout ce qu’on n’a pas sur une photo. Les photos, c’est toujours restreint, même avec les photos à 360°, on n’ a pas cette impression d’être dedans, de bouger comme on veut, de zoomer sur un détail. On ne vit pas le paysage, on a juste le point de vue du photographe. Ce ne sera jamais pareil. On ne peut pas non plus ressentir : il y a la caresse du vent, la sensation du sol sous les pieds. On n’y pense pas mais c’est là. Si on marche sur les graviers ou sur le chemin, ce n'est pas la même sensation. On sent le frottement des herbes sur le pantalon. On s’ancre ici.

Le vent est fort, mais pas violent. Il nous pousse un peu, il décoiffe, mais il est joueur, comme un jeune chien qui tire sur les vêtements pour qu’on lui jette la balle. Le côté dangereux de la falaise, je le sais plus que je ne le sens, sauf en m’approchant très près du bord, mais sinon, ça ne bouge pas, c’est immuable ce paysage. Quand on est en haut, on est un peu invincible, rien de ne peut nous déranger, nous atteindre, j’ai un sentiment de plénitude. Je me sens gonflée de bien-être et de calme.

Et puis, il y a les traces de l’homme. La Nature, elle, sera toujours là, alors que notre individualité finira par disparaître, alors je comprends qu’on veuille laisser une trace : une église, un monument pour les aviateurs… ça fait peur de disparaître, que plus personne ne pense à nous. On peut se consoler en créant, en construisant. Ce n’est pas une raison pour imposer sa marque. Ici, ce n’est pas imposé.

La préservation du lieu

 

Il y a un risque d’accueillir une multitude de personnes sur un même site et en même temps, les lieux doivent vivre et puis comment l’interdire?Pour qui ?

Quand j’étais petite je faisais du vélo dans une cour, toujours au même endroit et un jour, je me suis rendue compte que juste en faisant ça, j’avais créé un chemin, l’herbe était écrasée, la terre visible. Il y a des traces quand on passe, alors même que je ne l’avais pas voulu. C'est pareil ici.

Mais, moi, je suis tellement contente d’avoir vu cet endroit, alors je me vois mal l’interdire à d’autres.

Il faut gérer, mais comment ?"

Cécile, Étretat,

le23 juin 

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